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Suite à cette conférence et des retours très positifs, il y a eu cependant une objection faite sur mes réserves à propos du P. Henri Caffarel. J’ai donc approfondi la question en lisant deux livres de référence du P. Caffarel : Présence à Dieu, cent lettres sur la prière (1972) et Cinq soirées sur la prière intérieure (6e édition augmentée et illustrée, 1988). Le premier me paraît excellent et définit clairement l’oraison comme « rencontre et échange d’amour entre Dieu et l’homme » (p. 9). ll se réfère explicitement à la définition thérésienne de l’oraison, sur laquelle il va s’appuyer (p. 23). L’avantage de ce livre écrit sous forme de lettres, c’est que ce genre littéraire lui permet de préciser sa pensée, dans un langage familier et pédagogique. Si l’on veut lancer une école d’oraison basée sur le P. Caffarel, il me semble que ce livre est un excellent outil.
En revanche, les Cinq soirées sur la prière et les écrits des années 80 que j’ai cités dans ma conférence, posent problème. Le P. Caffarel ne se fonde plus sur la définition de S. Thérèse et met l’accent sur une connaissance intellectuelle du Christ pour pouvoir le rencontrer, ce qui peut amener à confondre méditation sur le Christ et oraison (cf. pp. 21ss). Il ne développe pas la connaissance du Christ infuse par l’Esprit Saint dans l’oraison. En outre, il parle explicitement d’un « organe spirituel nous permettant d’entrer en rapport avec Dieu » (p. 18). Il l’appelle le « cœur » dans un sens biblique (cf. pp. 16ss). Pour moi, cela pose un vrai problème de compréhension, car c’est l’intelligence de l’homme qui est faite pour contempler Dieu dans la lumière divine infuse et la volonté qui est faite pour être enflammée dans l’amour divin. Les sens spirituels sont une analogie qui se réfère à ces deux facultés, mais ne sont pas distincts : contempler, écouter, goûter, sentir, se laisser toucher par Dieu, se réfèrent soit à l’intelligence, soit à la volonté, soit aux deux, ensemble. Dans la Bible, le « cœur » ne se distingue par de « l’esprit » de l’homme, qui est le lieu de la communion avec l’Esprit de Dieu. L’homme est à l’image de Dieu pour le contempler et l’aimer dans l’Esprit Saint. Il y a là tout un développement essentiel qui manque chez le P. Caffarel, comme la place centrale de l’Esprit Saint dans l’oraison (il en traite dans l’« Appendice 1 » des Cinq soirées sur la prière, ce qu’il avait omis de faire durant les cinq soirées).
Pour conclure, comme dans la conférence, je tiens à souligner les grandes qualités pédagogiques du P. Caffarel pour l’enseignement de l’oraison, mais aussi ses limites. En revanche, Présence à Dieu, cent lettres sur la prière, représente un sommet dans son enseignement et jette les bases pour une excellente école d’oraison.
Sur l’anthropologie de la prière, voir le chapitre 4 de mon livre, L’oraison selon Thérèse d’Avila et Jean de la Croix, EDB 2019, 4e éd., pp. 53-84.